Jean-Baptiste Djebbari verse aux motards une prime de 6000 € pour s’acheter une moto thermique neuve
Ras Le Scoot a pris connaissance avec consternation des mesures annoncées par le ministre des transports en vue de contourner l’obligation posée par une directive européenne d’instaurer un contrôle technique à compter du 1er janvier 2022.
Au nombre de celles-ci, la plus scandaleuse est sans doute le versement, sans conditions de ressources, d’une prime de 6000 € pour l’achat d’un deux-roues électrique ou « très peu polluant ».
On comprend qu’en 2021, alors que la fin du thermique est programmée partout en Europe et que des voix s’élèvent pour bannir ces motorisations des centres villes, l’État français s’apprête à subventionner massivement l’achat de véhicules thermiques sous prétexte qu’en sortie d’usine ils seraient moins polluants que leurs prédécesseurs soumis à des normes obsolètes. Cette prime à contresens de l’histoire constitue une double faute : technique, d’abord, car un deux-roues thermique même aux normes reste sujet aux transformations de son propriétaire qui peut modifier son échappement pour le rendre plus bruyant et plus polluant, si bien que l’intérêt de la mesure s’en trouve réduit à contribuer à l’achat d’une machine neuve ; politique, ensuite, tant il est incompréhensible de subventionner à ce point lourdement un mode de transport aussi peu en phase avec les enjeux de sécurité, de lutte contre la pollution et de préservation du cadre de vie auxquels le contrôle technique devait répondre.
L’absence de conditions de ressources fait par ailleurs peser sur cette mesure de substitution un soupçon d’électoralisme, voire de subvention déguisée à l’industrie motarde confrontée à la menace de la transition écologique.
Les motards sont en effet pour leur majorité issus des catégories socioprofessionnelles supérieures, disposant des moyens de se tourner vers des véhicules plus récents. Jean-Baptiste Djebbari se propose donc d’offrir la moitié d’une moto neuve aux cadres de La Défense pour réaliser en moyenne un trajet de 6 km en zone urbaine. Pour les citoyens souffrant des nuisances des 2RM, c’est la double peine : ils sont forcés de contribuer à l’opération de sauvetage d’un mode de transport qui leur nuit.
Enfin, qui croira que les motards les plus dénoncés pour leurs nuisances, adeptes de virées nocturnes sous les fenêtres de riverains excédés et de pots trafiqués tonitruants, changeront de véhicules pour se conformer aux normes ? La politique incitative atteint vite ses limites faute d’être complétée par des mesures contraignantes.
Ras Le Scoot ne s’oppose pas à toute forme de prime à la conversion mais appelle à en revoir d’urgence les critères d’attribution : ne sauraient être subventionnés que des véhicules électriques destinés à des ménages à la situation financière modeste. Il est par ailleurs étonnant de n’orienter les motards que vers un autre deux-roues motorisé, quand on sait qu’en ville des moyens plus adaptés aux contraintes d’espace et de densité humaine existent : vélos, VAE voire EDPM, apparemment absents du catalogue du ministère.
Une autre mesure présentée consiste à renforcer la formation dispensée dans le cadre du permis de conduire moto afin d’améliorer la sécurité routière : le ministère oublie opportunément de préciser qu’en France la conduite des 3RM, assimilables aux 2RM par leurs nuisances, ne requiert pas le permis moto. Une mesure simple aurait consisté à exiger pour ces véhicules, dès lors qu’ils dépassent la cylindrée déclenchant la même exigence pour les motos, la détention du permis spécifique.
La Commission européenne dira si ces timides mesures suffisent à satisfaire aux objectifs qu’elle a fixés aux États en matière de sécurité routière, de pollution et de lutte contre le bruit ou si elle demande malgré tout au gouvernement d’établir un contrôle technique.
Ras Le Scoot pour sa part maintient ses recours contre la non-application du contrôle technique des 2RM devant le Conseil d’État et sa saisine de la Commission.